ROL, NPL, loyer unique, politique des loyers dérogatoire… : les OLS ont eu plusieurs outils et occasions de repenser les loyers durant les dernières années. Dans un contexte réglementaire déjà très dense depuis 2018, très peu de bailleurs se sont pourtant saisis de ces nouveaux dispositifs (facultatifs pour la plupart) ou n’ont ne serait-ce que poussé la réflexion au-delà de la prise d’information. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’ANCOLS n’a recensé que 3 OLS qui avaient mis en place un dispositif dérogatoire de fixation des loyers, sur 355 répondants à une enquête récente (hors cas particulier de la Métropole de Rennes, où est expérimenté le loyer unique).

La période serait pourtant propice à lancer des réflexions sur le sujet, avec un modèle économique des opérateurs qui se fragilise particulièrement ces derniers mois. Les coûts d’opérations augmentent en même temps que les charges et les taux d’emprunt. Pourtant, les besoins de production restent forts et les interventions sur le parc existant (rénovations énergétiques notamment) encore davantage.

Les moyens d’améliorer les recettes des organismes sont donc centraux, en diversifiant la nature des interventions (produits et activités : sur ce sujet, voir notre billet d’humeur “Vers la création d’opérateurs globaux de l’habitat : un mouvement de fond dans le logement social !”) ou, comme premier levier, en revoyant la politique de loyers.

Le sujet est sensible, évidemment. Les charges ont explosé ces derniers mois et il ne s’agit pas de fragiliser encore plus les locataires. Les niveaux de loyer sont également des données qui articulent beaucoup d’enjeux : de visibilité pour les organismes et leurs financeurs sur l’autofinancement généré, d’accessibilité du parc de logements pour les ménages, de complémentarité avec les autres offres de logement pour répondre à la vocation sociale des organismes.

Et il est vrai que repenser sa politique des loyers, par l’application d’un dispositif dérogatoire, n’est pas sans poser question :

 
  • sur le positionnement de l’offre par rapport aux marchés locaux : quelles sont les marges de manœuvre par rapport aux capacités des ménages et aux plafonds légaux ? quels effets sur la vacance locative des logements ?
 
  • sur l’intérêt économique de la démarche : quel horizon d’application des nouveaux loyers par l’effet des relocations ? quelles pertes de recettes potentielles sur les premières années ? quelle adéquation par rapport aux engagements financiers à opérer à court et moyen termes ?
 
  • sur le temps d’appropriation et de mise en œuvre d’une refonte de la politique de loyers : quelle disponibilité des équipes au regard des autres projets en cours (obligatoires pour la plupart) ?
 
  • sur le passage à l’opérationnel et la formation interne des équipes : comment faire évoluer l’organisation, les métiers et les outils afin d’activer la mise en œuvre du changement ?
 
  • sur les dimensions partenariales : quelle association des réservataires et représentants des locataires pour cadrer le périmètre sur lequel repenser les grilles de loyer ?

Il faut dire également que les contours des dispositifs et de leurs applications sont parfois peu lisibles. Nouvelle politique des loyers (NPL), « loyer unique », politique des loyers dérogatoire… Avec tous ces dispositifs aux noms quasi-similaires, il y a de quoi de se perdre !

Dispositifs dérogatoires de loyers : de quoi parle-t-on ? 

Alors faisons le point.

Si l’objectif opérationnel peut différer d’un dispositif à l’autre, l’idée est à chaque fois à peu près la même : sortir d’une logique de gestion des loyers à l’opération et sur la durée d’une convention, et remettre à plat la cohérence d’ensemble à l’échelle d’un territoire ou du patrimoine d’un organisme (la politique partielle des loyers est possible).

Autrement dit, à une approche par l’équilibre financier de l’opération se substitue une logique de mise en cohérence des loyers (sur tout ou partie du parc) avec les capacités financières des ménages et en tenant compte des caractéristiques des logements (typologie, localisation, attractivité, etc.).

Plusieurs garde-fous existent, et en particulier un principe de compensation entre hausses et baisses de loyers pour maintenir le quittancement global (somme des loyers plafonds convention) avant et après mise en place du dispositif, et le non-dépassement du plafond PLS pour tout nouveau plafond convention.

Partant de là, et en simplifiant, les différences d’un dispositif à l’autre renvoient à la façon dont est prise l’initiative :

  • Nouvelle Politique des Loyers : remise à plat des loyers sur tout ou partie du patrimoine avec comme clé d’entrée les caractéristiques des logements. Les évolutions de loyers sont définies globalement, et entrent en vigueur au moment de la relocation des logements.
  • Politique des loyers dérogatoire : adaptation des loyers de logements ciblés, à la hausse ou à la baisse, au moment des attributions et suivant les ressources des demandeurs.
  • Loyer unique (expérimental) : remise à plat des loyers sur tout un territoire, à l’initiative de l’EPCI et identique pour l’ensemble des organismes, selon les caractéristiques des logements.

 Notre approche du sujet 

Le sujet est éminemment technique et suppose d’y consacrer du temps et de l’énergie. A la lumière des missions que nous avons menées sur le sujet, il nous semble qu’il convient de s’interroger sur deux étapes-clés pour penser – puis mettre en œuvre – un dispositif dérogatoire :

 

1. Evaluer finement l’opportunité de repenser sa politique de loyer

Chaque organisme intervient dans un contexte qui lui est propre et visera par la refonte de ces loyers à répondre à des enjeux spécifiques : équilibres de peuplement et mixité sociale dans le parc, lutte contre la vacance locative, financement de travaux de requalification…

Une première étape est l’appropriation du sujet, pour mesurer le dispositif le plus cohérent par rapport à ces enjeux. Il convient ensuite de définir le périmètre et les cibles de logements potentiellement concernés, pour identifier les effets d’une hausse ou d’une baisse des loyers (au logement et au global). Au-delà du loyer, cela peut s’articuler avec une remise à plat des surfaces de quittancement.

Ces interrogations impliquent également de disposer d’une bonne connaissance des marchés locaux de l’habitat (solvabilité des ménages, offre de logements en dehors du parc social) afin de trouver le bon positionnement qualité / prix.

Un travail de modélisation économique des effets du dispositif permet d’acter l’opportunité de le mettre en place (ou non) et d’identifier dans quelle mesure il permet de répondre aux objectifs poursuivis.

 

2. Formaliser la nouvelle politique de loyers, accompagner la mise en œuvre opérationnelle et le changement

Dérogatoire, la mise en place d’une nouvelle grille de loyers sera à articuler avec les documents-cadres de l’organisme et à partager avec les partenaires (Etat, réservataires, locataires…).

Un point sensible, très variable selon les outils avec lesquels travaille l’organisme, est le besoin d’adaptation potentiel de l’ERP pour gérer plusieurs grilles de loyer en parallèle. L’impact en temps et en investissement peut n’être pas négligeable.

L’accompagnement des équipes, l’adaptation des process métiers et le besoin d’une montée en compétence éventuelle sont enfin des aspects-clés de la mise en œuvre d’un dispositif, à penser à toutes les étapes.

Toutes ces interrogations portent donc sur les modalités de la conduite du changement. Elles constituent souvent un frein au passage à la mise en œuvre d’une politique dérogatoire de fixation des loyers et sont à organiser et à animer tout au long de la démarche.

 En synthèse 

Toute politique des loyers n’est pas le sujet uniquement des financiers mais bien de l’organisme dans son intégralité. Cette nouvelle politique des loyers vient percuter les objectifs d’attribution HQPV/QPV et les équilibres de peuplement, nécessite une bonne compréhension des mécanismes par vos équipes locatives et constitue un changement majeur dans la manière de réfléchir vos équilibres financiers-groupes. Aussi doit-elle être accompagnée dans sa mise en œuvre et son changement afin de permettre sa bonne prise en main.

 

Envie d’en savoir plus sur les dispositifs dérogatoires de fixation de loyers ? Consultez l’étude 2023 que nous avons réalisée pour l’ANCOLS sur le sujet.

 

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